Les Etats-Unis dépendent fortement de la Chine pour l’approvisionnement en matières premières telles que les terres rares. Cela doit changer – grâce à la production nationale et à des chaînes d’approvisionnement diversifiées, mais aussi grâce à de nouvelles lois.
Les matières premières critiques telles que les terres rares et les métaux stratégiques sont indispensables pour la plupart des technologies modernes. Les métaux de terres rares néodyme et praséodyme, par exemple, sont nécessaires pour les voitures électriques, les éoliennes, les smartphones et les ordinateurs portables, mais aussi pour la technologie militaire. Pour l’approvisionnement en ces matières premières, les États-Unis dépendent fortement du leader mondial qu’est la Chine : Selon les données de l’US Geological Survey (PDF), 78 pour cent de toutes les importations de terres rares entre 2017 et 2020 provenaient de la République populaire. Face aux tensions géopolitiques persistantes, les États-Unis s’efforcent de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. L’ensemble de la chaîne de valeur, de l’exploitation minière au recyclage en passant par le traitement, doit être stabilisé.
« L’abondance des ressources naturelles de l’Amérique » [traduction de métaux-industriels.net] pourrait aider à réduire la dépendance, affirme le sénateur américain Joe Manchin (démocrate). Avec Joni Ernst (républicaine), qui est comme lui membre de la commission sénatoriale des forces armées, Manchin a présenté le projet de loi bipartisan Homeland Acceleration of Recovering Deposits and Renewing Onshore Critical Keystones (HARD ROCK) Act. L’objectif est de renforcer le National Defense Stockpile (NDS), un stock de matériaux stratégiques détenu par le ministère de la Défense. Ce stock sert à fournir immédiatement les matières premières nécessaires aux entreprises de défense et aux principaux producteurs civils en temps de guerre ou d’urgence nationale. Selon le communiqué de Manchin, les Etats-Unis ne sont pas suffisamment équipés pour faire face à cette situation en raison de leur forte dépendance vis-à-vis des importations de nombreux minéraux critiques.
Le HARD ROCK Act est le dernier d’une série de projets de loi et de mesures visant à assurer la sécurité des matières premières. En avril, le Obtaining National and Secure Homeland Operations for Rare Earth (ONSHORE) Manufacturing Act a été présenté afin de promouvoir la production de terres rares aux États-Unis. Il est également prévu de ne plus utiliser de terres rares chinoises dans les systèmes d’armes du ministère américain de la Défense à partir de 2026 (nous en avons parlé). Face à la paralysie des chaînes d’approvisionnement mondiales, le président Joe Biden a en outre réactivé à plusieurs reprises le Defense Production Act, une loi datant de l’époque de la guerre froide. Celle-ci permet d’obliger les entreprises à accepter et à prioriser les commandes considérées comme nécessaires à la défense nationale. En mars, le Defense Production Act a été utilisé pour garantir l’approvisionnement en minéraux pour la production de voitures électriques, comme le lithium et le cobalt. Actuellement, Biden souhaite augmenter par ce biais la production nationale de composants pour les panneaux solaires et autres technologies d’énergie verte. La Chine domine également le marché mondial de la production de panneaux photovoltaïques. Le gouvernement de Biden a également récemment accordé des subventions pour cartographier les gisements de matières premières critiques dans de nombreux États américains.
Les terres rares : Bientôt aussi made in USA
L’entreprise minière américaine MP Materials joue un rôle important dans la mise en place d’une chaîne de création de valeur autonome pour les terres rares. Elle exploite non seulement la seule mine américaine de terres rares, Mountain Pass, mais construit également une usine dans laquelle les matières premières seront transformées en métaux et alliages de terres rares ainsi qu’en aimants permanents pour moteurs électriques. Un accord de livraison a déjà été conclu avec le constructeur automobile américain General Motors. MP Materials est soutenu par le ministère de la Défense, tout comme le groupe minier australien Lynas, qui prévoit de construire deux installations de séparation de terres rares lourdes et de terres rares légères au Texas. Jusqu’à présent, il n’existe pas d’installations de traitement pour les matières premières critiques aux États-Unis, le traitement ultérieur se fait donc principalement en Asie.
Outre la production primaire, certains projets de recyclage de matières premières bénéficient également de subventions publiques. Selon le ministère américain de l’énergie, les résidus de l’industrie du charbon se prêtent particulièrement bien à la récupération des terres rares (nous en avons parlé). La construction d’une telle installation devrait être subventionnée à hauteur de 140 millions de dollars. Les sites envisagés sont la région des Appalaches, le Dakota du Nord ou le Wyoming, des régions qui comptent de nombreuses mines désaffectées et dans lesquelles l' »exploitation minière secondaire » pourrait connaître un certain essor. Une institution similaire existe déjà dans le Wyoming : le Wyoming Innovation Center a récemment été ouvert sur un ancien site minier à Gillette, comme le rapporte Mining.com. On y développera des procédés pour extraire des terres rares du charbon et de ses résidus, mais aussi pour fabriquer des produits comme l’asphalte ou le graphène.
L’importance d’un approvisionnement plus indépendant en matières premières critiques a également été soulignée récemment par la ministre américaine des Finances Janet Yellen, écrit Bloomberg. Elle n’est toutefois pas favorable à une production uniquement aux Etats-Unis, mais s’est prononcée en faveur d’une collaboration accrue avec des partenaires comme le Canada, qui « partagent des valeurs communes en matière de commerce international et de comportement dans l’économie mondiale » [traduction métaux-industriels.net].
Pour en savoir plus : alors que le thème de l’approvisionnement en matières premières est arrivé au plus haut niveau aux Etats-Unis, d’autres Etats ont encore du retard à rattraper. La politique allemande concernant les matières premières, par exemple, est critiquée dans un récent document de travail de l’Académie fédérale pour la politique de sécurité qui considère qu’elle n’est plus adaptée à notre époque.
Photo: iStock/Kosal Hor