Matières premières critiques : la démarche française

par | 1. novembre 2022 | Économie

Maintenant que la sécurité de l’approvisionnement en matières premières pour les technologies d’avenir telles que les semi-conducteurs, les énergies renouvelables ou l’électromobilité a été reconnue comme l’un des défis urgents par la politique européenne, on peut se demander pourquoi on n’a pas agi plus tôt. La domination asiatique, et surtout chinoise, sur le marché des matières premières stratégiques s’était finalement déjà dessinée à la fin des années 1990. On pourrait presque avoir l’impression que peu de choses ont changé depuis. Un regard sur la France voisine montre qu’il en est autrement.

L’annonce par le groupe de matières premières Imerys, basé à Paris, de son intention de se lancer dans l’exploitation du lithium en Europe a été largement relayée par les médias internationaux. Des gisements de ce métal pour batteries ont été découverts dans le centre de la France, dans le département de l’Allier, où Imerys exploitait jusqu’à présent du kaolin pour la production de céramique. 34.000 tonnes de cette matière première pourraient être produites chaque année à partir de 2028, selon l’objectif du groupe. Cela suffirait à équiper 700.000 voitures électriques par an. On trouve également du lithium dans d’autres régions du pays, comme en Bretagne ou en Alsace, où la construction d’une usine de traitement est prévue. Mais à la différence d’Imerys, il s’agira ici de traiter du lithium provenant d’Argentine.

La batterie prend beaucoup de place dans les voitures électriques et est le composant le plus cher. (Photo : iStock/Chesky_W)

Une longue tradition dans le recyclage des matières premières

En ce qui concerne les autres composants pour l’électromobilité, les nouvelles en provenance de France sont également positives. A La Rochelle, dans l’ouest du pays, le groupe belge Solvay prévoit d’agrandir sa raffinerie de terres rares afin de pouvoir produire à l’avenir également le matériau de base pour les aimants permanents. Ces derniers sont des composants essentiels des moteurs des véhicules zéro émission. Environ 98 % de ces aimants dans l’UE proviennent actuellement de Chine.

Solvay peut s’appuyer sur un savoir-faire de longue date pour son projet, car lors du rachat du groupe Rhodia en 2011, l’entreprise a également acquis sa division internationale Rare Earth Systems, qui était également active dans le domaine du recyclage des terres rares. Une voie que Solvay poursuit depuis lors.

Le recyclage des matières premières prend de l’importance

Avant même la crise des terres rares de 2011, lorsque les pays industrialisés du monde entier ont pris conscience de leur forte dépendance vis-à-vis de la Chine et que les prix ont atteint un niveau historiquement élevé, des efforts ont été faits pour récupérer ces matières premières importantes. Dix ans plus tard, moins d’un pour cent des terres rares est cependant recyclé en Europe, comme l’a écrit l’European Raw Material Alliance (ERMA) dans un rapport (PDF) sur la situation de l’approvisionnement en matières premières critiques dans l’industrie automobile. Cela est probablement dû au fait que le niveau des prix s’est à nouveau détendu après la crise, rendant le processus coûteux de recyclage non rentable.

Avec le développement rapide de la mobilité électrique, mais aussi de l’énergie éolienne – également un domaine d’application important pour les aimants – et la nouvelle hausse des coûts des matières premières, ces projets redeviennent urgents. Ainsi, la jeune entreprise lyonnaise Carester souhaite se lancer dans le recyclage des aimants permanents et prévoit la construction d’une installation correspondante. L’État français subventionne la construction à hauteur de 15 millions d’euros.

La voiture comme source de matières premières

Le plus grand constructeur automobile français, Renault, va encore plus loin. Avec la filiale d’entreprise The Future is Neutral, créée fin octobre, l’entreprise élève l’automobile au rang de source de matières premières, comme l’indique le communiqué de presse y afférent. Des solutions techniques et industrielles pour l’économie circulaire seront développées en collaboration avec le réseau de partenaires de Renault. L’objectif est notamment de jouer un rôle de leader dans le recyclage des batteries. Celles-ci contiennent les matières premières importantes que sont le nickel, le manganèse, le cobalt et le lithium. Pour ce dernier, Renault mise également sur l’extraction dans d’autres pays européens. Deux contrats ont déjà été conclus avec la filiale allemande du groupe australien Vulcan Energy pour l’approvisionnement en métal des batteries. La matière première doit être extraite des eaux thermales du fossé du Rhin supérieur. Le projet pilote est encore en cours d’élaboration, mais il a convaincu non seulement Renault, mais aussi la maison mère d’Opel, Stellantis.

Il ne fait aucun doute que pour élargir l’approvisionnement en matières premières de l’Europe, des approches variées et parfois inhabituelles sont nécessaires. Les premiers pas ont déjà été faits. Le fait que les décideurs politiques aient également fait de ce thème leur cheval de bataille est un signal important. Jürgen Gassmann, directeur des matériaux magnétiques de l’institut Fraunhofer pour les cycles de vie des matériaux et la stratégie des ressources (IWKS), a expliqué en octobre dernier dans une interview avec métaux-industriels.net quels sont les défis que pose encore la mise en place d’une économie circulaire pour les matières premières critiques.

Photo : iStock/MasterLu

PUB