LISA sera le premier observatoire spatial pour les ondes gravitationnelles. Des cubes flottants en or et en platine jouent un rôle central dans son développement.
Albert Einstein a prédit leur existence dès 1916 : les ondes gravitationnelles. Sur la base de sa théorie de la relativité, il en a déduit qu’il devait exister de minuscules distorsions de l’espace-temps à quatre dimensions qui se déplacent dans l’espace à la vitesse de la lumière. Elles apparaissent lors d’événements cosmiques qui libèrent des énergies énormes, par exemple lorsque des trous noirs fusionnent ou que des étoiles explosent à la fin de leur vie.
Ce n’est que 100 ans après les prévisions d’Einstein que l’on a pu prouver que ces ondes extrêmement difficiles à détecter existaient réellement. Les observatoires LIGO aux États-Unis ont réussi pour la première fois à mesurer directement les ondes gravitationnelles – une étape importante dans l’histoire de l’astronomie. Mais les systèmes terrestres ne se prêtent que partiellement à une étude plus approfondie du phénomène, car leur sensibilité de mesure et leur portée sont limitées. De plus, les détecteurs terrestres sont exposés à des perturbations sismiques.
Retourner jusqu’au big bang ?
C’est pourquoi l’Agence spatiale européenne (ESA) veut envoyer le premier observatoire d’ondes gravitationnelles dans l’espace en 2037. Libérée des limites et des influences terrestres, l’antenne spatiale interférométrique laser (LISA) y recherchera les minuscules courbures de l’espace-temps et détectera également de nouvelles plages de très basses fréquences. Les scientifiques espèrent ainsi pouvoir remonter plus loin que jamais jusqu’au début de l’univers. L’objectif est d’acquérir de nouvelles connaissances sur les trous noirs, les étoiles à neutrons et peut-être même le big bang.
Le projet est soutenu par de nombreux États membres de l’ESA, la NASA, des instituts de recherche et des entreprises industrielles ; le feu vert pour la prochaine phase de développement a été donné récemment. LISA sera composé de trois satellites qui suivront la Terre à une distance d’environ 50 millions de kilomètres sur son orbite autour du soleil. Ils seront séparés par un triangle laser de 2,5 millions de kilomètres de côté chacun. Dès qu’une onde gravitationnelle traverse cette constellation, les distances entre les satellites changent. Mais ces déplacements sont minimes, de l’ordre de la taille d’un atome. Pour les mettre en évidence, un système laser de haute précision mesure en permanence les distances entre des masses d’essai en suspension libre à l’intérieur des satellites.
Les technologies clés du futur observatoire d’ondes gravitationnelles LISA ont été testées avec succès dans l’espace à l’aide de deux cubes en or et en platine. (Photo : ESA/ATG medialab)
Des métaux précieux en suspension dans l’espace
La mission d’essai LISA Pathfinder a démontré il y a quelques années déjà que le procédé de mesure sous-jacent fonctionne. Fin 2015, la sonde s’est envolée dans l’espace avec à son bord deux cubes identiques en or et en platine, d’une longueur d’arête de 45 millimètres chacun et pesant près de deux kilos. Le choix s’est porté sur les métaux précieux parce que les masses d’essai ne devaient pas être magnétiques, mais nécessitaient en revanche une densité uniforme et une surface bien conductrice, explique à futurezone le Dr Martin Hewitson, l’un des chercheurs impliqués à l’Institut Max Planck de physique gravitationnelle. L’or et le platine sont également de bons réflecteurs pour les lasers.
A environ 1,5 million de kilomètres de la Terre, les mécanismes de maintien des cubes ont été résolus. Au-delà du champ gravitationnel terrestre et largement protégés des facteurs perturbateurs extérieurs, les masses d’essai ont ensuite flotté librement et presque sans mouvement les unes à côté des autres à une distance de 38 centimètres. Grâce à l’interférométrie laser, leurs positions respectives et par rapport au satellite ont pu être déterminées avec une extrême précision. La précision a en fait dépassé de loin les attentes des scientifiques : le système de mesure pourrait même détecter un virus qui s’assoit sur l’une des masses d’essai et la dévie de sa trajectoire par son poids, a expliqué clairement Karsten Danzmann, directeur de l’Institut Albert-Einstein à Hanovre, lors d’une interview avec la Deutschlandfunk.
Cette démonstration extrêmement réussie de technologies clés ouvre la voie au développement de grands observatoires spatiaux, écrit la Max-Planck-Gesellschaft. Dans un avenir pas trop lointain, ils pourraient détecter les ondes gravitationnelles de nombreux objets exotiques dans l’univers – et ouvrir une vue inédite de l’espace.
En savoir plus sur l’utilisation des métaux précieux et technologiques dans la recherche spatiale.
Image de l’article : LISA Pathfinder Mission. Crédit : ESA-C. Carreau